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Et si nous arrêtions de nuire à l'instinct maternel?

  • Photo du rédacteur: chloetraube
    chloetraube
  • 29 juil.
  • 6 min de lecture
soutenir l'instinct maternel et la parentalité
Photo de Liana Mikah sur Unsplash

Fais pas ci, fais pas ça

Assise à la terrasse d'un café, j'entends deux femmes discuter de leurs envies de maternité:

"Non mais toi c'est sûr que tu auras des enfants! Regarde ta poitrine, une vraie mamma, tu es faite pour ça c'est évident!". Regard baissé sur mon discret tour de poitrine et sur la faille qui vient de s'immiscer en moi: si la bonne mère a une poitrine opulente, quelle mère serai-je capable d'être sans cet attribut? Fast-forward, je suis enceinte, c'est le bonheur et je regarde émerveillée mon corps s'épandre pour accueillir mes enfants. Je dois me rendre aux urgences pour un contrôle et me retrouve à devoir argumenter du fait que je suis bien enceinte de 5 mois pour pouvoir accéder aux soins dont j'ai besoin. L'accès aux urgences côté maternité c'est pour les femmes enceintes de plus de 3 mois, je suis enceinte de 5 mois. "Mais vous n'êtes pas enceinte, ou bien à peine de 3 mois, Madame, on ne voit rien." Tout va bien, fort heureusement. Par contre, ce n'est que le début des justifications face aux autres: oui je suis bien enceinte d'autant de mois que je le dis, oui mon bébé va bien, non je ne la prive de rien, mon corps est en train de faire son travail de la plus parfaite des manières, mais cela ne semble pas convenir à ceux qui trouvent que mon ventre n'est jamais assez gros. A quel moment le simple fait d'être enceinte a permis aux autres de se sentir autorisés à juger un corps, et à le faire savoir, de la plus crue des façons qui plus est. Je sais quant à moi que tout va bien, que je suis comme je suis et que c'est parfait comme ça, mais je baisse encore une fois la tête face aux accusations, infondées, de ne pas faire assez bien pour mon enfant. Nouvelle faille dans la construction de ma maternité, ça ne fait que commencer. Et puis vient l'accouchement et les "ça ne va pas assez vite", "vous avez trop de lait", "vous l'allaitez trop souvent, espacez les tétées", "ah ben il va falloir relancer votre lactation, elle n'a pas pris autant de poids que les jours derniers", "vous ne pouvez pas la laisser dormir sur le côté, empêchez-la", "fais autrement, elle doit comprendre", "elle doit dormir dans son lit entre 20h et 21h chaque soir, sinon tu fais faux", "les tétées c'est seulement quand c'est l'heure", "mais si, tu verras que tu voudras reprendre le travail, tu ne vas pas changer sous prétexte que tu as eu un enfant", "n'oublie pas ton mari, lui aussi a droit à ton attention", "comment ça il dort dans vos bras, mais vous allez le tuer!". Tous ces mots ne sont pas grand chose. J'ai de la chance: tout s'est bien passé. Mais je m'interroge, comment les choses se seraient-elles passées si je n'avais pas entendu ces phrases presque constamment.


L'instinct maternel, vraiment?

Le fameux instinct maternel, existe-t-il seulement, sujet de débat inépuisable. Il fait aussi selon moi partie d'une injonction très lourde, la même qui fait d'ailleurs le lien entre l'apparence physique et sa capacité à être mère: on nous fait croire, de façon quasi-menaçante, qu'on pourrait l'avoir, ou non, que ça nous tomberait dessus, ou pas, un peu comme si ça faisait partie du paquet déposé par la bonne fée sur notre berceau à la naissance. C'est cette injonction qui plombe les mères qui détestent être enceintes, ou qui n'ont pas de coup de foudre immédiat pour leur bébé. S'interroge-t-on seulement vraiment sur ce que ces mères traversent? Une chose est certaine: elles se questionnent. Tout comme le font la plupart des mères: elles cherchent, réfléchissent et se remettent en question. Et les pères également. Car non, la maternité - la parentalité - ne vient pas avec le téléchargement immédiat d'un mode d'emploi qu'on range sous l'étiquette de l'instinct maternel. D'ailleurs, instinct maternel, mais qu'en est-il des pères? En partant du présupposé que la mère a l'instinct, que fait l'autre parent? Il attend qu'on lui imprime la marche à suivre? En prônant la valeur de l'instinct maternel, on place à mon avis l'autre parent, celui qui n'a pas porté son enfant mais dont on attend pourtant qu'il soit - à part égale - son parent, dans un rôle de second plan. Il n'a pas eu accès à ce savoir inné, il fait juste ce qu'on lui dit. Comment rétablir cet équilibre dès lors que ses instincts à lui, ses questionnements, sont abordés avec cet angle différent. Ne souhaitons-nous pas pourtant l'égalité des rôles? C'est notre pédiatre qui m'a offert une clé que je garde depuis lors précieusement: "l'instinct maternel, ce n'est pas le fait de savoir, c'est le fait de se poser des questions". Aho, merci Martial! Je comprends alors que ma capacité à materner ne m'est pas prédestinée mais que j'en suis responsable, dans la posture que j'adopte avec conscience, et que je la partage avec mon conjoint. S'il me manque des clés, j'ai la capacité d'aller chercher de l'aide et c'est là mon plein pouvoir de mère alors que l'injonction à l'instinct maternel, telle qu'on la fait bien souvent peser sur nous, met en échec le doute et le fait même d'avoir besoin de chercher de l'aide ou des réponses. Non! C'est là que tout se joue: prendre le recul, se questionner, s'informer et faire des choix éclairés. Et c'est en s'abandonnant à ce processus qu'on s'autorise à observer son bébé, son enfant, à accueillir ce qui est avec humilité, qu'on crée du lien.


Se construire à contre-courant

L'instinct de faire les choses comme je le sens et comme m'y invitent nos enfants et non pas comme on me dicte de le faire, sous prétexte que c'est comme ça ou qu'on a toujours fait comme ça était bien présent depuis le départ. Quelle force cela requiert pour naviguer dans ces flots-là: à contre-courant. C'est carrément épuisant, et c'est toute l'ironie de la situation. On décide de faire des choix pour sa propre famille, des choix qui bousculent certains, ne rentrent pas dans les cadres communs, incommodent même ceux qui ne se privent pas de le faire savoir et de vouloir nous prouver qu'on a tort: "ben regarde, c'est évident que tu as tort de procéder ainsi, tu es épuisée! C'est parce que tu as fait ces choix que tu es si fatiguée!".

Ce monde-là se trompe. La fatigue de la parentalité ça n'est pas de répondre aux besoins de ses enfants et de vivre dans le respect mutuel sans distinguer les différentes catégories de personnes (enfants/adultes). Ce qui épuise c'est d'avoir à s'en justifier, de devoir mettre de l'énergie à défendre son droit à disposer de son corps et de son propre jugement comme on le souhaite, protéger son noyau des assauts verbaux qui cherchent à le mettre en échec, qui cherchent à démontrer la raison quand on est simplement en train d'essayer, de faire de son mieux et de choisir ce qu'on espère être la bonne voie pour soi-même à ce moment-là. Dans la fragilité de ce noyau familial en construction, la force que requiert le fait de maintenir ce niveau d'écoute et de communication avec son bébé est immense quand le brouhaha extérieur vient troubler la ligne. Il s'agit aussi de maintenir la barque dans l'écume de toutes ces vérités assénées sans scrupule. Maintenir la confiance en soi-même, en ses capacités physiques aussi bien qu'à celles de faire les justes choix quand les opinions non sollicités pleuvent et s'évertuent à prouver qu'on a tort devrait être un sport reconnu. Et au-delà de toutes ces injonctions reçues en pleine figure et dont on essaie de se parer, il y a le monde extérieur qui n'est pas prévu pour accueillir les enfants comme les enfants qu'ils sont et qui n'est donc pas adapté aux parents qui apprennent à être parents, non pas depuis leur position d'adulte, mais en partant de leur enfant. Nouvelle difficulté, nouveau risque potentiel dans la construction de soi, nouvelle faille.


Soyons les vents favorables des parents de demain


L'entourage familial, amical, médical, aussi aidant puisse-t-il être heureusement d'un point de vue logistique, est aussi celui sur lequel on aimerait pouvoir puiser sa force dans cette quête de guidance qui s'acquiert à mon sens très peu par l'écoute des autres mais bien plus par la connexion à soi-même et à son enfant. Je crois que c'est dans la capacité de l'entourage du couple qui attend et accueille un enfant à préserver leur confiance en eux, valoriser leurs ressentis et accompagner leurs questionnements que réside la clé pour une parentalité rayonnante, consciente et épanouie. Parce qu'il offre ainsi un terreau fertile au bourgeonnement de l'instinct parental. Comme le dit Karine Langlois, le monde a plus que jamais besoin de doulas et, dans ce cas-là, elle peut en effet être la gardienne de ce bourgeon: elle peut aider le parent ou le couple de parents à maintenir son

cap, à avancer en se détachant du poids des injonctions, elle apporte le support pour permettre sa pleine expansion, pour que les enfants deviennent ces adultes à l'écoute et valorisant dont le monde a besoin.


Comment avez-vous navigué dans votre parentalité, entre ressentis et injonctions? Avez-vous pu bénéficier de personnes ressources dans votre entourage ou au contraire avez-vous ressenti le besoin de mettre de la distance avec ceux qui vous faisaient douter de vous-mêmes? Si vous attendez un enfant, avez-vous déjà réfléchi à vous constituer un village favorable, qui vous soutiendra pour que puissiez déployer vos ailes et être la meilleure version de vous-mêmes dans votre parentalité?


© Chloé pour Mama Studio, 2025. Tous droits réservés. Le contenu de ce blog ne peut être reproduit sans autorisation écrite préalable.


 
 
 

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